top of page

P. de Coubertin vs G. Hébert

Dernière mise à jour : 28 déc. 2022


Deux hommes, deux conceptions bien différentes qui s'opposent au sujet de l'activité physique et sportive. A l'audimat des sportifs, aucun doute Pierre de Coubertin est largement vainqueur du duel. Tous connaissent son rôle dans la renaissance des Jeux Olympiques, leurs anneaux qu'il a lui-même dessinés et leur slogan : citius, altius, fortius (plus vite, plus haut, plus fort). Mais qui connait aujourd'hui "l'hébertisme", la philosophie développée par Georges Hébert, dont le premier volet prône un entrainement complet par la "méthode naturelle" ? KO Georges ! Il mérite bien un petit coup de projecteur.


Petit retour historique

Pierre de Coubertin (1863 – 1937) a pris part à l'éclosion et au développement du sport en France dès la fin du XIXe siècle, militant fortement pour l'introduction du sport à l'école, avant d'être le rénovateur des Jeux olympiques de l'ère moderne (jeux d'Athènes de 1896). Il fonde dès 1894 le Comité international olympique, dont il a été le président de 1896 à 1925. Sa face sombre, peut-être moins connue : ses positons colonialistes, voire racistes et misogynes qui lui vaudraient quelques soucis aujourd'hui :

« Les races sont de valeur différente et à la race blanche, d'essence supérieure, toutes les autres doivent faire allégeance ». « Une petite olympiade femelle à côté de la grande olympiade mâle. Où serait l’intérêt ? […] Impratique, inintéressante, inesthétique, et nous ne craignons pas d’ajouter : incorrecte, telle serait à notre avis cette demi-olympiade féminine. Ce n’est pas là notre conception des Jeux olympiques dans lesquels nous estimons qu’on a cherché et qu’on doit continuer de chercher la réalisation de la formule que voici : l’exaltation solennelle et périodique de l’athlétisme mâle avec l’internationalisme pour base, la loyauté pour moyen, l’art pour cadre et l’applaudissement féminin pour récompense »



Georges Hébert (1875-1957), officier de marine, a été le promoteur d'une éducation physique opposée à la gymnastique suédoise et à la spécialisation sportive. Sa méthode d'entrainement et d'entretien, mise au point à l'école de fusillés marins de Lorient, lui vaudra d'être nommé directeur des exercices physiques dans la marine puis chargé de l'entrainement des troupes d'assaut de toutes les armées françaises. Son "parcours du combattant" est aujourd'hui mondialement connu même si peu de ceux qui s'échinent sur les obstacles savent qu'ils lui doivent cela.

Après la guerre de 14 il s'intéresse à des objectifs plus pacifiques pour l'éducation physique civile. Inquiet des aspects pris par la spécialisation sportive, il publie en 1925 un ouvrage, "Le sport contre l'éducation physique", où il dénonce les principales dérives du sport qu'il définit comme « tout genre d'exercice ou d'activité physique ayant pour but la réalisation d'une performance et dont l'exécution repose essentiellement sur l'idée de lutte contre un élément défini, une distance, un danger, un animal, un adversaire [...] et par extension contre soi-même ».


La méthode naturelle de Georges Hébert

Elle est basée sur 10 mouvements naturels : la marche, la course, le saut, la quadrupédie, les grimpers, l'équilibre, les levers/porters, la défense et la natation. Le développement du corps, qui est selon Hébert « le temple de l’âme et du cerveau », doit permettre à chacun (homme ou femme) d'être physiquement fort pour être moralement fort, « être fort pour être utile ». L'entraînement se fait dans une visée altruiste : le corps est entraîné pour aider (s'aider soi-même et aider les autres).

L’esprit de l’hébertisme se démarque ainsi de celui de l’activité sportive prônée par Pierre de Coubertin : dans le sport ou le fitness, « les maîtres mots sont avant tout performance, compétition, silhouette, répétition. La performance a pris le pas sur la santé, la silhouette sur l’utilité, la répétition sur la variété, la règle sur l’imprévu. Et le stade ou la salle, remplaçant la nature, achève alors de nous déconnecter complètement de cette dernière ». Voilà quelque chose qui parle à l'adepte de sport nature que je suis. L'hébertisme a ainsi donné naissance à une philosophie de vie se résumant par un retour raisonné à la nature.


Esprit de compétition ou pas ?

Pas de doute, pour Pierre de Coubertin la compétition est essentielle, même si "l'important c'est de participer" : Il n'y a pas de place pour tous sur les podiums ! C'est finalement quelque chose de bien naturel chez tous les humains. Depuis les cours d'école déjà, où les gamins sont naturellement enclins à se mesurer aux copains, courir plus vite, crier plus fort ou jouer les caïds (à mon époque aussi pour gagner des billes). Ensuite sur des terrains, de foot ou autres, stades, gymnases, piscines et ailleurs, à la mer ou à la montagne tout est objet de compétition. La compétition fait partie de la nature humaine depuis toujours, ne serait-ce que pour survivre chez nos ancêtres lointains, dans toutes les civilisations et sur l'ensemble du globe. Chez les extraterrestres ? Je ne sais pas. Évidemment, la compétition fait aussi partie de nombre d'activités humaines non sportives. Tant qu'il s'agit de jeu, tout va bien mais l'histoire et l'actualité nous montrent que l'esprit de compétition, quand il s'agit de conquête de territoires ou d'imposer une idéologie, religieuse ou pas, peut mener aux pires exactions.

La compétition, un état naturel chez les humains, dans le règne animal et végétal aussi : pour s'alimenter, se défendre, se reproduire. Les petits de toutes les espèces semblent beaucoup s'amuser en jouant, c'est aussi une façon de s'entrainer pour se préparer à la compétition pour sa survie et celle de l'espèce. Ils sont mignons les petits lions. Pas sûr toutefois que tous les humains se préoccupent réellement de la survie de l'espèce.


Compétition chez les sportifs… et les autres

La compétition est une occasion de rencontres et procure souvent des moments d'émotions fortes aux sportifs, à beaucoup d'autres également. En témoignent l'engouement, l'enthousiasme, parfois l'hystérie générés par le mondial de foot et autres grands événements sportifs, par la rivalité des supporters de grandes équipes. Même les petits clubs de nos villes et nos campagnes ont leur fans. Les supporters deviennent ainsi des "compétiteurs par procuration". Les stars, les marques et les marchands en profitent, le sport étant évidemment une colossale source de business.


Une activité sportive sans compétition ?

Oui bien sûr c'est possible aussi ! Bouger pour jouer, sans enjeu. Bouger pour se faire du bien, seul ou en groupe, sans premier ni dernier, sans vainqueur ni perdant. Bouger pour le plaisir, les découvertes, les rencontres. Jogger du dimanche, cyclotouriste, alpiniste... la liste de celles et ceux qui bougent sans classement serait longue. On constate à la lecture de quelques livres de grands marcheurs au long cours qu'ils sont des acteurs de vraies performances physiques sinon sportives tels ceux rapportés par Jacques Lacarrière, Axel Kahn, Sylvain Tesson ou Jacques Lanzmann pour n'en citer que quelques-uns. Bouger pour repousser ses limites à l'extrême, tels des explorateurs comme Sarah Marquis ou Christian Clot : leurs expériences hors du commun dépassent largement le cadre de l'exploit sportif.

Bouger aussi en étant bienveillant avec soi-même, sans objectif, sans jugement, avec la pratique du yoga par exemple (ou du Nordic Yoga). J'y ai découvert qu'il n'est pas indispensable d'être un champion de souplesse et de postures pour se faire du bien au corps et à la tête. On lâche prise avec tout esprit de performance, même en groupe, la seule préoccupation étant d'établir les connections entre son corps et son esprit. Et pourquoi pas en dansant ? Je "travaille ma technique" en salsa et en batchata (il y du boulot si on veut vraiment bien faire), mais là encore nul besoin de "compète" même s'il s'agit d'une activité "bien physique" également : juste pour le plaisir. Ah oui c'est vrai, il y a aussi des compétitions de danse de salon !!!


Et en marche nordique ?

Compétition ou pas ? Les deux sont possibles et respectables, évidemment. J'ai beaucoup apprécié l'introduction de Roland Zede lors de son stage "OTOP" (dont le flambeau est repris par Chantal Torresan). Voir OTOP du plaisir nordique. Il se positionne clairement dans "le clan des hébertistes" prenant soin de préciser que l'esprit de compétition n'est pas de mise dans le stage. Cela n'exclut en rien l'exigence, sur la qualité de la technique. Exigence et bienveillance, juste pour "la beauté du geste", en proximité avec la nature, ça me va bien !

Cela n'interdit pas pour autant, si on en a envie, de s'aligner sur une compétition pour le simple plaisir de porter un dossard, de sortir de sa zone de confort ou d'aller titiller ses limites, selon les motivations et capacités de chacun. Les champions viseront un podium ou une place d'honneur au classement, les autres juste la satisfaction d'avoir tout donné… ou pas.

Pour les adeptes occasionnels ou réguliers de la compétition, la différence se fait finalement sur la façon dont on l'aborde : une fin en soi chez les aficionados de Pierre de Coubertin ou une occasion supplémentaire de prendre du plaisir et de progresser pour ceux de Georges Hébert.











Posts récents

Voir tout
bottom of page